Succession et donation franco-suisse : quelle fiscalité ?

Donation et succession transfrontalière

Transmettre son patrimoine entre la France et la Suisse soulève souvent une question délicate : quelle fiscalité s’applique aux donations et successions ? Entre règles nationales différentes, risques de double imposition et conventions fiscales spécifiques, il est parfois difficile d’y voir clair.

En France, les droits de succession sont calculés selon un barème progressif qui dépend du lien de parenté. En Suisse, la fiscalité varie fortement d’un canton à l’autre, certains allant jusqu’à exonérer totalement les héritiers directs. Lorsqu’une succession ou une donation implique un résident de chaque côté de la frontière, les héritiers doivent donc composer avec deux systèmes fiscaux qui ne fonctionnent pas de la même façon.

Cet article vous aide à comprendre les principes clés de la fiscalité des donations et successions franco-suisses :

  • les différences entre la réglementation française et suisse,
  • les mécanismes pour éviter la double imposition,
  • les démarches de déclaration et de paiement,
  • et les solutions pour optimiser la transmission de patrimoine.

 

Comprendre les bases de la fiscalité successorale en France et en Suisse

Les règles en France : taux et barèmes des droits de succession

En France, les droits de succession sont calculés sur la valeur nette du patrimoine transmis après déduction des abattements. Ces abattements varient selon le lien de parenté avec le défunt :

  • 100 000 € par enfant ou parent en ligne directe,
  • 15 932 € entre frères et sœurs,
  • 7 967 € entre neveux et nièces,
  • 1 594 € pour les héritiers plus éloignés ou non parents.

Après application de l’abattement, le solde est soumis à un barème progressif allant de 5 % à 45 %.
 

Exemple : un enfant qui hérite de 200 000 € paiera des droits uniquement sur 100 000 € (200 000 – 100 000 € d’abattement), avec une taxation par tranches.

Il faut aussi préciser que le conjoint survivant et le partenaire de PACS bénéficient d’une exonération totale de droits de succession en France.

 

La fiscalité successorale en Suisse : différences cantonales et exonérations

En Suisse, la fiscalité des successions et donations relève des cantons, ce qui signifie que chaque canton applique ses propres règles. On observe cependant plusieurs tendances :

  • La plupart des cantons exonèrent totalement les transmissions en ligne directe (enfants, parents).
  • Le conjoint survivant est également exonéré dans la quasi-totalité des cantons.
  • En revanche, pour les frères, sœurs ou héritiers plus éloignés, les taux peuvent varier de 5 % à plus de 40 % selon le canton.

Exemple : dans le canton de Genève, les enfants et le conjoint sont exonérés, mais les frères et sœurs peuvent être taxés jusqu’à 54 %. À Zurich, les enfants et le conjoint sont également exonérés, mais les héritiers éloignés supportent des taux compris entre 2 % et 36 %.

Cette disparité cantonale crée de grandes différences de traitement fiscal d’un canton à l’autre.

 

Les particularités en cas de donation entre vifs

Une donation (transfert de patrimoine du vivant du donateur) est traitée de façon proche de la succession :

  • En France, elle bénéficie des mêmes abattements et du même barème que la succession. Les abattements peuvent être utilisés tous les 15 ans.
  • En Suisse, le régime des donations est également cantonal, mais la plupart des cantons exonèrent les donations entre parents directs.

Une stratégie courante consiste à recourir aux donations pour anticiper la succession et profiter plusieurs fois des abattements en France, ou des exonérations cantonales en Suisse.

 

Le risque de double imposition entre la France et la Suisse

Quand s’applique la double imposition ?

La double imposition peut se produire lorsqu’un héritage ou une donation concerne à la fois la France et la Suisse.

 

Exemples fréquents :

  • Un résident français hérite d’un bien situé en Suisse (immobilier, compte bancaire, etc.) ;
  • Un résident suisse hérite d’un bien situé en France ;
  • Une donation transfrontalière a lieu entre un donateur et un bénéficiaire installés dans deux pays différents.

Dans ces situations, chaque État peut revendiquer le droit d’imposer la transmission, ce qui conduit potentiellement à une taxation dans les deux pays.

 

Exemples concrets de situations fréquentes

  • Cas 1 : un frontalier domicilié en France hérite d’un appartement à Genève.
    La Suisse taxe l’immeuble car il est situé sur son territoire, mais la France peut également réclamer des droits car l’héritier est résident fiscal français.
  • Cas 2 : une personne résidente en Suisse reçoit une maison familiale située en Haute-Savoie.
    La France impose la succession car le bien est en France, tandis que le canton suisse peut considérer que l’héritier est redevable de droits sur l’ensemble de la succession.
  • Cas 3 : un parent vivant en Suisse fait une donation en numéraire à son enfant installé en France.
    La France applique ses règles de donation, tandis que le canton suisse peut aussi imposer le transfert si aucune exonération ne s’applique.

 

Conséquences fiscales pour les héritiers et donataires

La double imposition entraîne :

  • Un coût fiscal plus lourd pour les héritiers/donataires ;
  • Des procédures complexes de déduction ou de crédit d’impôt afin d’éviter une taxation intégrale dans les deux pays ;
  • Des délais de règlement allongés en raison des démarches nécessaires auprès des deux administrations fiscales.

Heureusement, la convention fiscale franco-suisse en matière de successions permet, dans certains cas, de limiter cette double taxation. Mais elle comporte aussi des zones grises, ce qui peut générer des litiges.

 

La convention fiscale franco-suisse sur les successions

Champ d’application et principes généraux

La France et la Suisse ont signé une convention fiscale en matière de successions le 31 décembre 1953 (entrée en vigueur en 1954).
Cette convention vise à éviter la double imposition des successions, mais elle ne couvre pas les donations entre vifs.

Principes de base :

  • Les biens immobiliers sont imposés dans l’État où ils se situent.
  • Les biens mobiliers (avoirs financiers, meubles, valeurs mobilières, etc.) sont imposés dans l’État de résidence du défunt au moment du décès.
  • Les parts de société sont imposées selon le lieu de situation de la société.

Cela signifie qu’en cas de décès d’un résident suisse possédant des biens immobiliers en France, la France conserve le droit d’imposer ces biens, tandis que le reste de la succession est en principe imposé en Suisse.

 

Fin de la convention fiscale de 1953

Pendant longtemps, la France et la Suisse étaient liées par la convention fiscale du 31 décembre 1953, qui permettait d’éviter la double imposition des successions.
Mais en 2014, la Suisse a dénoncé cette convention, refusant la renégociation proposée par la France. Depuis le 1er janvier 2015, il n’existe plus de convention bilatérale en matière de successions.

Conséquence directe : chaque pays applique désormais ses propres règles fiscales sans coordination particulière.

 

Risque accru de double imposition

L’absence de convention génère un risque important de double imposition.

  • La France taxe l’ensemble du patrimoine transmis par une personne résidente en France, quel que soit le lieu de situation des biens. Elle impose également les biens situés en France, même si le défunt résidait en Suisse.
  • La Suisse, de son côté, permet à chaque canton d’imposer les biens successoraux selon ses propres règles.

Exemple : un résident suisse laisse un appartement à Annecy et des comptes bancaires à Genève.

  • La France impose l’appartement car il est situé en France, et peut aussi imposer la part reçue par un héritier résident français.
  • Le canton suisse taxe les avoirs bancaires, mais il peut aussi réclamer des droits sur l’ensemble de la succession si l’héritier réside sur son territoire.

Résultat : les héritiers risquent de payer deux fois, sans possibilité d’imputer l’impôt payé dans l’autre pays.

 

Statu quo fiscal et incertitudes

Les tentatives de renégociation entre Paris et Berne ont échoué. La France souhaitait élargir son droit d’imposition en ciblant notamment les héritiers résidents français, ce que la Suisse a refusé. Depuis, le dossier est gelé :

  • Il n’y a aucun nouvel accord en vue ;
  • Les praticiens (notaires, avocats, fiscalistes) doivent composer avec des situations complexes et parfois litigieuses ;
  • La sécurité juridique pour les familles transfrontalières reste fragile.

En résumé : depuis 2015, il n’existe plus de convention successorale entre la France et la Suisse. Chaque transmission transfrontalière doit donc être analysée au cas par cas, en tenant compte des deux législations nationales et cantonales.

 

Quels cas restent non couverts par la convention ?

  • Les donations : la convention de 1953 ne traite que des successions, pas des transmissions effectuées du vivant. Les donations transfrontalières restent donc soumises au risque de double imposition.
  • Certaines situations patrimoniales complexes : par exemple, des trusts ou fondations, qui ne sont pas explicitement prévus par la convention et peuvent générer des divergences d’interprétation.
  • Les différences cantonales en Suisse : bien que la convention s’applique au niveau fédéral, ce sont les cantons qui perçoivent l’impôt sur les successions. Selon le canton, l’interprétation et l’application peuvent varier.

 

Processus de déclaration et paiement des droits de succession

Démarches à effectuer en France

En France, les héritiers ont 6 mois pour déposer une déclaration de succession auprès de l’administration fiscale (12 mois si le décès survient hors de France).
La déclaration doit être déposée au service des impôts des particuliers (SIP) du domicile du défunt. Elle comprend :

  • l’inventaire complet des biens transmis (immobilier, comptes, titres, etc.),
  • l’évaluation de chaque bien,
  • les dettes éventuelles,
  • le calcul des abattements et droits dus.

Les droits de succession doivent être réglés au moment du dépôt. Il est toutefois possible, sous conditions, de demander un paiement fractionné ou différé (par exemple en cas d’héritage immobilier difficile à liquider rapidement).

 

Démarches à effectuer en Suisse

En Suisse, la compétence relève des cantons, et les démarches diffèrent selon le lieu de résidence du défunt.
De manière générale, les héritiers doivent :

  • Déclarer la succession au service fiscal cantonal compétent,
  • Fournir une évaluation des biens situés en Suisse,
  • Régler les droits de succession selon le barème applicable (variable selon le lien de parenté et le canton).

Les délais sont en principe de 6 à 12 mois, mais chaque canton fixe ses propres règles.

Point important :

  • Dans la majorité des cantons, les héritiers en ligne directe (enfants, conjoint) sont exonérés.
  • Pour les héritiers plus éloignés (frères, sœurs, amis), les droits peuvent être significatifs.

 

Cas particulier des donations transfrontalières

Contrairement aux successions, il n’existe aucune convention fiscale bilatérale sur les donations entre la France et la Suisse.
Cela entraîne deux conséquences :

  • En France, une donation réalisée par un résident français ou au profit d’un résident français est imposable selon les barèmes habituels.
  • En Suisse, le canton du donateur peut également taxer la donation, sauf exonération pour les descendants directs.

Résultat : une donation entre un parent suisse et un enfant français peut être taxée des deux côtés de la frontière.

En résumé :

  • Les héritiers et donataires doivent accomplir des démarches séparées dans chaque pays,
  • L’absence de convention accroît la charge fiscale et la complexité administrative,
  • Un accompagnement spécialisé (notaire, avocat fiscaliste, courtier patrimonial) est fortement recommandé.

 

Exceptions, exonérations et stratégies d’optimisation

Les exonérations familiales

  • En France : le conjoint survivant et le partenaire de PACS bénéficient d’une exonération totale de droits de succession. Les enfants profitent d’un abattement de 100 000 € chacun, renouvelable tous les 15 ans en cas de donation.
  • En Suisse : dans la plupart des cantons, le conjoint et les descendants directs (enfants, petits-enfants) sont totalement exonérés de droits de succession et de donation. Cette exonération rend la transmission beaucoup plus avantageuse que du côté français.

Ces différences expliquent pourquoi de nombreuses familles frontalières organisent la transmission en tenant compte du lieu de résidence du défunt ou du donateur.

 

Les différences cantonales en Suisse à exploiter

La Suisse étant un État fédéral, chaque canton applique ses propres règles fiscales. Cela peut jouer en faveur d’une planification :

  • Certains cantons comme Schwyz, Obwald, Nidwald exonèrent quasiment toutes les donations et successions, même pour les héritiers éloignés.
  • À l’inverse, des cantons comme Genève appliquent des taux très élevés (jusqu’à 54 % pour les frères et sœurs).

Anticiper une transmission en choisissant le canton de résidence peut donc réduire considérablement la fiscalité successorale.

 

Solutions pour limiter la charge fiscale

Face au risque de double imposition et aux disparités France/Suisse, plusieurs stratégies existent :

  1. Anticiper par des donations : en France, les abattements se renouvellent tous les 15 ans ; en Suisse, la plupart des cantons exonèrent les donations en ligne directe.
  2. Utiliser l’assurance-vie : en France, elle bénéficie d’une fiscalité avantageuse (abattement de 152 500 € par bénéficiaire pour les primes versées avant 70 ans).
  3. Structurer son patrimoine : transférer certains actifs vers des véhicules plus favorables fiscalement (sociétés civiles, fondations, etc.).
  4. Planification patrimoniale transfrontalière : mettre en place une stratégie adaptée tenant compte des règles des deux pays et du lieu de résidence des héritiers.

 

Bien préparer une succession ou une donation transfrontalière permet d’éviter les mauvaises surprises fiscales.

 

Anticiper pour transmettre sereinement

La fiscalité des donations et successions entre la France et la Suisse est un sujet complexe, marqué par l’absence de convention bilatérale depuis 2015. Cette situation expose les familles transfrontalières à un risque réel de double imposition et à des démarches administratives souvent lourdes.

Entre les barèmes progressifs en France, les exonérations cantonales en Suisse et les règles spécifiques aux donations, chaque cas doit être analysé avec précision. Bien préparer la transmission de son patrimoine est donc essentiel pour réduire la charge fiscale et protéger au mieux ses proches.

Recourir à des solutions comme la donation anticipée, l’assurance-vie ou une structuration patrimoniale adaptée peut permettre de limiter fortement l’impact fiscal. Mais surtout, l’accompagnement par un professionnel connaissant les deux systèmes fiscaux reste indispensable pour sécuriser vos choix.

Mon Courtier Frontalier vous accompagne dans vos démarches de succession et de donation transfrontalières. Ensemble, nous élaborons la meilleure stratégie pour préserver votre patrimoine et transmettre dans les meilleures conditions.

 

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