Quelle est l’imposition sur les dividendes suisses ?

comment sont imposées les dividendes suisses en France

Recevoir des dividendes d’une société suisse – ou d’un ETF domicilié à Zurich – peut sembler la récompense parfaite pour vos actions et vos intérêts bien placés. Mais dès que ces revenus traversent la frontière, ils se heurtent à une double réalité : l’impôt anticipé helvétique de 35 % prélevé à la source et le régime d’imposition français (PFU ou barème progressif + prélèvements sociaux). Entre les deux, un maquis de taux, de formulaires et de conventions fiscales qui déterminent votre charge d’impôts, votre éventuel remboursement et, in fine, la rentabilité réelle de votre dividende.

Dans un contexte où chaque pays affine sa fiscalité pour attirer les entreprises et protéger ses actionnaires, comprendre la mécanique franco-suisse devient indispensable : comment éviter la double imposition ? Quels crédits ou avoirs fiscaux demander ? Comment optimiser la déclaration et, surtout, récupérer l’impôt anticipé ? Mon Courtier Frontalier fait le point.

 

Comprendre les dividendes : définition et fonctionnement en Suisse

Qu’est-ce qu’un dividende ?

Un dividende est la part du bénéfice qu’une entreprise suisse distribue à ses actionnaires après approbation des comptes ; il ne s’agit ni d’intérêts sur le capital investi, ni d’un remboursement de ce capital. D’après le Code des obligations, la distribution ne peut provenir que du bénéfice reporté ou des réserves constituées à cet effet ; aucune autre rémunération n’est due aux détenteurs d’actions au titre de leur participation au capital social.

 

Comment les dividendes sont-ils décidés et versés en Suisse ?

  • Proposition du conseil d’administration : le comptable arrête les comptes et suggère un montant de dividende (ordinaire ou extraordinaire).
  • Vote de l’assemblée générale : la décision finale appartient aux actionnaires ; depuis la réforme du droit des sociétés (1er janvier 2023), ils peuvent aussi approuver les dividendes intérimaires sur la base d’états financiers intermédiaires, à condition qu’ils soient audités ou que tous les actionnaires y consentent.
  • Dates clés
    • Ex-date : la veille, l’action se négocie “hors dividende”.
    • Record date : fixe la liste des ayants droit.
    • Payment date : versement net sur le compte de l’investisseur.
  • Financement : seuls les bénéfices distribuables et certaines réserves (ex. réserves issues d’apports de capital) peuvent servir ; la loi protège ainsi la solvabilité de la société.

À retenir : depuis 2023, l’assemblée peut voter des dividendes tout au long de l’exercice via l’option “interim dividends”, offrant plus de flexibilité, mais le respect des exigences d’audit et de protection des créanciers reste impératif.

 

Retenue à la source : l’impôt anticipé de 35 %

Lorsque des dividendes sont versés par une société suisse, le fisc fédéral prélève un impôt anticipé de 35 % directement sur la distribution. Ce prélèvement vise à inciter le bénéficiaire à déclarer ses revenus ; il peut souvent être récupéré en tout ou partie grâce aux conventions fiscales ou aux mécanismes de remboursement prévus par la législation helvétique et par les accords bilatéraux, notamment avec la France.

 

Panorama de la fiscalité des dividendes en Suisse

L’impôt anticipé fédéral : 35 % prélevés à la source

Dès qu’une société suisse verse des dividendes, elle retient 35 % d’impôt anticipé et le reverse à l’AFC. Ce prélèvement de sauvegarde vise à décourager la soustraction fiscale : le contribuable a tout intérêt à déclarer ses revenus pour en obtenir le remboursement (délai : 3 ans après la fin de l’exercice). Pour un résident étranger, cette retenue constitue en principe une charge définitive, sauf réduction ou restitution prévue par une convention fiscale.

 

Personnes physiques résidentes : des taux très cantonaux

  • Barème progressif : les dividendes sont additionnés à vos autres revenus (salaires, loyers…), imposés au niveau fédéral (max. 11,5 %) et surtout cantonal/communal. La facture totale varie donc fortement : ~22 % dans le canton de Zoug, jusqu’à ~45 % à Genève.
  • Participation qualifiée (≥ 10 % du capital ou valeur > 1 M CHF) : seule 70 % de la distribution est imposable au fédéral et 50 % minimum dans la plupart des cantons, ce qui ramène l’imposition effective autour de 12-25 % selon le lieu de résidence.

Pensez à vérifier la définition exacte de “participation qualifiée” dans votre canton ; certains appliquent un abattement supplémentaire ou abaissent le seuil de participation.

 

Exonération de participation

Les sociétés qui détiennent au moins 10 % du capital (ou valeur boursière de l’entreprise > 1 M CHF) bénéficient d’une exonération de participation : la portion de bénéfice tirée de ces dividendes est soustraite du résultat imposable. En pratique, l’impôt sur ces revenus tombe presque à zéro au niveau fédéral, cantonal et communal, un levier clé pour les holdings suisses.

 

Distributions exonérées : réserves d’apports en capital

Une société peut puiser dans ses réserves d’apports en capital pour rémunérer les actionnaires ; cette distribution n’est pas considérée comme un dividende au sens fiscal et échappe donc à l’impôt sur le revenu (et à l’impôt anticipé) pour les bénéficiaires suisses. Elle doit toutefois être mentionnée dans la déclaration afin d’être correctement identifiée.

 

En résumé

Profil investisseur Charge fiscale brute (hors récupérations) Possibles allègements
Résident suisse, participation < 10 % Retenue IA* 35 % + barème progressif fédéral/cantonal Remboursement intégral de l’IA sur demande
Résident suisse, participation ≥ 10 % IA 35 % + taxation partielle (70 %/≥ 50 %) IA remboursée, taux effectif réduit
Société suisse, participation ≥ 10 % IA 35 % (remboursable) + impôt sur les bénéfices réduit ≈ 0 % Déduction de participation
Non-résident sans CDI IA 35 % définitif Aucune, sauf convention ultérieure
Non-résident avec CDI (ex. France) IA ramené à 15 % ou 0 % selon le cas Formulaire 86/F pour le surplus

*IA = impôt anticipé

 

Régime français : comment vos dividendes suisses sont-ils imposés en France ?

Le « PFU » (flat tax) : 30 %

Les dividendes de source suisse reçus par un résident fiscal français subissent par défaut le prélèvement forfaitaire unique :

  • 12,8 % d’impôt sur le revenu ;
  • 17,2 % de prélèvements sociaux (CSG-CRDS-PS).

Le Parlement a bien envisagé de relever ce taux à 33 %, voire 35 % lors des débats sur le budget 2025, mais la mesure a été abandonnée en janvier 2025 : le PFU reste donc fixé à 30 %.

Option barème : chaque année, vous pouvez choisir l’imposition au barème progressif (dividendes + 40 % d’abattement) ; ce choix vaut pour tous les revenus mobiliers du foyer.

 

Convention France–Suisse : éviter la double imposition

Étape Flux Taux / traitement
1️Retenue helvétique Impôt anticipé 35 % prélevé à la source par la société suisse
2️Remboursement Demande (formulaire 86/FR) ⇒ restitution 20 % par l’AFC –20 %
3️Solde en Suisse Retenue résiduelle 15 % (plafond conventionnel) 15 %
4️ Crédit d’impôt français Crédit égal au prélèvement résiduel (≈ 15/85 du net) imputable sur le PFU ou le barème

 

L’article 11 de la convention limite en effet la taxation helvétique à 15 % du montant brut lorsqu’un bénéficiaire est résident de France.

Exemple rapide : sur un dividende brut de 100 CHF, vous touchez 65 CHF, récupérez 20 CHF, et déclarez 100 CHF en France. Votre crédit d’impôt couvre la part suisse résiduelle, ce qui neutralise la double charge.

 

Formalités de déclaration (année 2025)

  1. Annexe 2047 (cadre 2) : inscrivez le dividende brut suisse et l’impôt payé à l’étranger.
  2. Formulaire 2042 : report du net ligne 2DC (ou 2BH si option barème) ; crédit d’impôt lignes 8VL / 8UM ou 8TK selon le mécanisme choisi.
  3. Formulaire 2042 C : si vous êtes affilié à la sécurité sociale suisse, cochez 8SH / 8SI pour l’exonération CSG-CRDS (voir § suivant).

 

Prélèvements sociaux : cas des frontaliers et résidents « LAMal »

Depuis le 1ᵉʳ janvier 2019, les personnes rattachées à un régime obligatoire de sécurité sociale suisse (ou EEE) ne paient plus la CSG-CRDS sur leurs dividendes ; elles acquittent seulement le prélèvement de solidarité à 7,5 %.

Situation Prélèvements sociaux applicables
Résident fiscal FR, couvert sécurité sociale FR 17,2 % inclus dans le PFU
Résident fiscal FR, couvert sécurité sociale CH/EEE 7,5 % (cases 8SH/8SI)

 

Pensez à joindre l’attestation d’affiliation LAMal ou « formulaire S1 » pour sécuriser l’exonération CSG-CRDS.

 

Points de vigilance supplémentaires

  • Surtaxe hauts revenus : +3 % ou +4 % au-delà de 250 000 € de revenu fiscal (non couverte par le crédit d’impôt).
  • Dividendes “super-profits” : depuis 2025, certaines distributions exceptionnelles par de très grandes entreprises (> 750 M € CA) peuvent subir un PFU majoré de 5 pts (35 %) ; mesure ciblée, vérifiez le bulletin de la société avant de déclarer.
  • Détention ≥ 10 % : en France, la quote-part pour frais et charges (PPFC = 5 %) reste due pour les sociétés mères qui excluent les dividendes de leur résultat.

 

Impôt anticipé suisse : mode d’emploi pour le remboursement

Rappel express : pour chaque dividende de société suisse, l’Administration fédérale des contributions (AFC) prélève 35 % d’impôt anticipé à la source. Ce prélèvement est récupérable (totalement ou partiellement) si vous remplissez les conditions de la convention fiscale France-Suisse.

 

Conditions d’ouverture du droit

Condition Détail Où le trouver sur le formulaire 83
Résidence fiscale hors de Suisse Justificatif « attestation de résidence » tamponnée par votre centre des finances publiques Cadre A
Droit de jouissance sur le revenu (bénéficiaire effectif) Vous déteniez l’action à la date de cloture Cadre B – colonne 6
Délai 3 ans Déposer la demande avant le 31 décembre N+3 Mention art. 32 LIA au verso

 

Papier ou e-Portal ?

  • Formulaire 83 – France (QDF) : toujours la voie officielle pour les personnes physiques et morales françaises. Téléchargez la dernière version datée 22.07.2024 sur le site de l’AFC.
  • ePortal AFC : depuis 2024, un guichet en ligne existe, mais il n’accepte pour l’instant que les formulaires 25/85 (résidents CH/DE). Pour les Français, la demande reste papier.

 

Pas-à-pas pour remplir le formulaire 83

  1. Télécharger le formulaire
  2. Cadre A – Identité & IBAN (évitez tout QR-IBAN non accepté).
  3. Cadre B – Listez chaque dividende :
    • colonne 3 : ISIN/nom de l’entreprise ;
    • colonne 4 : date de paiement ;
    • colonne 5 : montant brut ;
    • colonne 8 : impôt anticipé déjà prélevé (35 %).
  4. Signatures : imprimez en 3 exemplaires, signez, faites viser par votre service des impôts (case F).
  5. Envoi : expédiez 2 originaux + pièces à l’AFC, case postale, 3003 Berne. Gardez le 3ᵉ pour vos archives.

Pièces justificatives indispensables

  • Tax Vouchers ou relevés de votre banque attestant le dividende et la retenue 35 % ;
  • Attestation de résidence pour l’année concernée (SIP ou SIPNR) ;
  • Relevé de portefeuille (si plusieurs titres) ;
  • IBAN standard (pas de QR). Les dossiers incomplets sont mis en attente.

Délais et suivi

  • Traitement : l’AFC annonce « plusieurs mois » selon le volume de demandes (6-12 mois d’expérience terrain). Un statut En cours / Déposée / Terminée est consultable si vous avez créé un compte ePortal.
  • Une seule demande par année civile et par bénéficiaire : regroupez tous vos dividendes suisses de 2025 avant de poster.

Calcul express sur 1 000 CHF de dividendes

Étape Flux Montant (CHF) Commentaire
Brut voté 1 000 Montant inscrit cadre B-5
Retenue 35 % -350 Prélevé à la source
Net encaissé 650 Versement initial
Remboursement AFC + +200 Après validation formulaire 83
Retenue résiduelle = 150 Imputable (crédit d’impôt) en France

 

Points de vigilance

  • Dividendes intermédiaires votés après 2023 : même procédure, même formulaire.
  • ETF suisses : si ≥ 80 % des revenus sont étrangers, utilisez le formulaire 60 à la place du 83.
  • Changement d’adresse après le paiement : ajoutez une lettre explicative + justificatif.
  • Dématérialisation à venir : l’AFC prévoit d’élargir l’ePortal à d’autres pays d’ici 2026, restez à l’affût des mises à jour.

Vous voilà armé pour récupérer jusqu’à 20 points de retenue et optimiser votre fiscalité franco-suisse !

 

Dividendes d’actions vs distributions d’ETFs : quelles nuances ?

Où naît vraiment le revenu ?

Support Domicile fiscal du flux Retenue à la source (avant PFU)
Action Nestlé (ISIN : CH0038863350) Suisse 35 % d’impôt anticipé (IA) prélevé par l’AFC, récupérable à 20 pts via formulaire 83
ETF Swiss-domiciled (ex. UBS S&P Swiss Dividends) Suisse IA 35 % sur la distribution de l’ETF + retenues étrangères sur ses lignes sous-jacentes
ETF Irish UCITS (ex. iShares MSCI World IE00B4L5Y983) Irlande 0 % à l’Irlande ; seules retenues « Level 1 » (10-15 % moy.) subies par l’ETF sur ses actions. Pas d’IA suisse.

À retenir : ce n’est pas l’indice suivi qui détermine votre charge d’impôts, mais l’adresse fiscale de l’entreprise ou du fonds qui vous verse le cash.

 

Le jeu des retenues « L1 / L2 »

  1. Level 1 Tax Withholding (L1TW) – retenue opérée par le pays de chaque société détenue dans le portefeuille (ex. 15 % sur les dividendes Microsoft).
  2. Level 2 Tax Withholding (L2TW) – retenue appliquée par le pays de domicile du fonds quand il redistribue le flux à l’actionnaire final.
    • Pour un ETF domicilié en Suisse, l’IA de 35 % constitue ce L2TW ; vous déclenchez alors la même procédure de remboursement que pour une action suisse.
    • Pour un ETF domicilié en Irlande au Luxembourg, le L2TW est 0 % ; la convention Irlande–États-Unis permet même à l’ETF de ramener la retenue US de 30 % à 15 % avant de vous payer.

 

Traitement français : même PFU, crédit d’impôt différent

  • Action/ETF suisses : vous bénéficiez du crédit d’impôt égal à 15 % (le résiduel suisse) qui vient gommer la double imposition en France.
  • ETF non suisses : le dividende perçu est considéré de source étrangère, mais sans IA suisse. Vous êtes donc taxé au PFU 30 % en France sans crédit d’impôt spécifique ; seuls les L1TW restés dans le fonds se reflètent dans le rendement net.

 

Faites travailler chaque franc de dividende pour vous, pas pour le fisc

Comprendre la fiscalité des dividendes suisses n’est pas qu’un exercice théorique : c’est la clé pour transformer un rendement brut alléchant en un revenu net réellement performant. Entre limpôt anticipé de 35 % côté helvétique, le PFU français à 30 %, les crédits d’impôt et les subtilités cantonales, chaque taux compte. En choisissant le bon support (action suisse directe, ETF irlandais UCITS, fonds capitalisant), en respectant les délais de remboursement via le formulaire 83/FR et en optimisant votre déclaration française, vous pouvez neutraliser la double imposition et conserver, in fine, la majeure partie de vos dividendes.

Vous êtes travailleur frontalier ou investisseur franco-suisse ? Notre équipe de courtage et de conseil patrimonial vous accompagne pour :

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