Vous travaillez en Suisse, vous vivez (ou investissez) en France : bienvenue dans la zone grise où l’impôt sur la fortune immobilière (l’IFI) peut vite devenir un casse-tête ! Entre la valeur de vos biens côté français ou votre quote-part de SCPI de bureaux à Genève, comment savoir ce qui entre réellement dans la base taxable ? Et surtout, comment éviter la double imposition tout en profitant des dispositifs de défiscalisation réservés aux frontaliers ?
Cet article a été conçu pour répondre précisément aux questions que vous nous posez :
- Comprendre qui est concerné par l’IFI et à partir de quels seuils ;
- Clarifier quels biens (français ou suisses) doivent être déclarés ;
- Maîtriser les mécanismes d’imputation prévus par la convention fiscale franco-suisse ;
- Optimiser votre situation grâce au démembrement, à la nue-propriété et aux dettes déductibles.
Que vous soyez un jeune actif frontalier en plein premier achat ou multi-investisseur chevronné, suivez les conseils de Mon Courtier Frontalier : en quelques minutes, vous saurez comment réduire la note fiscale sans faux pas, tout en sécurisant votre patrimoine des deux côtés de la frontière.
Sommaire
IFI : définition et contribuables concernés
Qu’est-ce que l’impôt sur la fortune immobilière ?
Créé en 2018 pour remplacer l’ISF, l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) est un prélèvement annuel sur la valeur nette de votre patrimoine immobilier possédé au 1ᵉʳ janvier de l’année d’imposition. Seuls les biens et droits immobiliers (maisons, appartements, terrains, parts de sociétés à prépondérance immobilière, etc.) entrent dans l’assiette ; l’épargne financière et les meubles en sont exclus.
L’IFI applique un seuil de déclenchement de 1,3 million € : en-dessous, vous n’êtes pas redevable. Au-dessus, la taxe est calculée par tranches progressives, à partir de 800 000 € de patrimoine net :
Fraction de patrimoine net taxable |
Taux |
Jusqu’à 800 000 € |
0 % |
800 001 € – 1 300 000 € |
0,50 % |
1 300 001 € – 2 570 000 € |
0,70 % |
2 570 001 € – 5 000 000 € |
1 % |
5 000 001 € – 10 000 000 € |
1,25 % |
Au-delà de 10 000 000 € |
1,50 % |
Ces seuils et taux sont inchangés pour l’année 2025.
À retenir :
– On regarde la valeur brute des biens moins vos dettes déductibles (prêt immobilier, travaux, etc.).
– L’IFI est dû par foyer fiscal : vous, votre conjoint(e)/partenaire PACS et vos enfants mineurs sont imposés ensemble.
Qui doit payer l’IFI ? (seuils et situations typiques des frontaliers)
Situation du frontalier |
Biens soumis à l’IFI |
Résident fiscal en France (cas de tous les frontaliers suisses) |
Tous vos biens et droits immobiliers, où qu’ils se trouvent : résidence principale en France (abattement de 30 %), résidence secondaire ou locatifs en France et en Suisse, parts de sociétés à prépondérance immobilière françaises ou suisses. |
Couple mixte dont l’un travaille en Suisse mais le foyer reste domicilié en France |
Même règle : patrimoine immobilier mondial, déclaré en commun. |
Expatrié installé en Suisse (non-frontalier) |
Hors périmètre de cet article ; seuls les biens situés en France seraient imposables. |
Conséquence directe : pour la grande majorité des frontaliers, les immeubles situés en Suisse entrent bien dans la base taxable française, sauf exonérations ou décotes spécifiques (démembrement, dettes déductibles, etc.). La convention fiscale franco-suisse ne supprime pas l’IFI ; elle traite uniquement des crédits d’impôt liés aux revenus immobiliers, pas au patrimoine.
Quelques points d’attention pour les frontaliers :
- Seuil de 1,3 M € : il s’apprécie après déduction des dettes admissibles ; faites donc actualiser vos estimations d’emprunts et travaux avant de déclarer.
- Biens exonérés : logement opérationnel d’une activité professionnelle, certains biens ruraux loués à long terme, etc.
- Parts de SCPI/OPCI suisses : elles peuvent rester dans la base taxable si ces fonds investissent majoritairement en immobilier français, nous y reviendrons dans la section suivante.
- Convention fiscale franco-suisse : elle n’empêche pas l’IFI, mais un mécanisme d’imputation vous évite de payer deux fois sur le même actif.
En pratique, la plupart des frontaliers deviennent redevables lorsque investissements immobiliers en Suisse + résidence principale en France franchissent le seuil. D’où l’intérêt d’anticiper la valorisation de vos biens et d’explorer les solutions de défiscalisation décrites plus loin pour alléger, voire neutraliser, votre IFI.
Les mécanismes d’imputation pour éviter la double imposition
Les frontaliers résidents fiscaux français sont tenus de déclarer tous leurs biens immobiliers, y compris ceux situés en Suisse. Or, la plupart des cantons helvétiques prélèvent également un impôt annuel sur la fortune assis sur la valeur nette de l’actif immobilier, même pour les non-résidents ; les barèmes varient d’environ 0,2 % à 1 % selon le canton et la commune. Sans précaution, vous risquez donc de payer deux fois : l’IFI en France et la taxe cantonale en Suisse. Heureusement, le Code général des impôts prévoit plusieurs garde-fous.
Crédit d’impôt et convention fiscale franco-suisse : mode d’emploi
Article 980 CGI : si vous acquittez à l’étranger « un impôt présentant les mêmes caractéristiques que l’IFI », vous pouvez imputer ce montant sur l’IFI dû en France, à proportion de la valeur des biens concernés.
Concrètement :
- Recueillez l’avis de taxation émis par le canton (ou la commune) suisse : il doit mentionner la base et le montant de l’impôt patrimonial payé sur votre bien.
- Remplissez l’annexe 6 de la déclaration 2042-IFI : indiquez, pour chaque immeuble suisse, la taxe cantonale payée et joignez le justificatif.
- Tenez compte du plafonnement : le crédit ne peut excéder la fraction d’IFI correspondant à ce même bien. S’il est supérieur, l’excédent est perdu ; il n’est ni reportable ni remboursable.
- Conservez les pièces pendant au moins trois ans ; l’administration peut les réclamer à tout moment.
Exemple express :
Valeur vénale d’un chalet à Verbier : 1 200 000 €
Taux cantonal + communal : 0,55 % ⇒ impôt helvétique = 6 600 €
IFI français sur ce bien (après dettes) : 5 300 €
Crédit imputable = 5 300 € (plafond)
Montant d’IFI restant dû pour ce bien : 0 €, vous épongez totalement la double imposition.
Dettes déductibles : optimiser vos charges et emprunts
Réduire votre base taxable passe aussi par le passif. Article 974 CGI : seules les dettes existantes au 1ᵉʳ janvier et affectées aux biens taxables sont admises – acquisition, construction, travaux, conservation ou imposition liée (taxe foncière, etc.).
Type de dette |
Conditions |
Bonnes pratiques |
Prêts amortissables (euro ou CHF) |
Capital restant dû au 1ᵉʳ janv. |
Allonger la durée ↗ capital dû ↘ mensualités |
Prêts in fine / Lombard |
Déductibles de façon « fictive » : montant divisé par nbre d’années restantes |
Renégocier en fin de contrat pour conserver la déduction |
Travaux de rénovation énergétique |
Devis signés et acompte versé avant le 1ᵉʳ janv. |
Planifier les chantiers en décembre ↗ dette déductible |
Impôts locaux et taxe cantonale suisse |
Restés exigibles et non réglés au 1ᵉʳ janv. |
Régler après le 2 janv. si trésorerie OK |
Plafond anti-abus :
Quand la valeur brute du patrimoine dépasse 5 M € et que les dettes représentent plus de 60 % de cette valeur, la fraction excédentaire de dette n’est plus déductible qu’à 50 %. Pensez à répartir vos emprunts entre plusieurs biens pour éviter ce couperet.
En résumé :
- Crédit d’impôt (art. 980) = votre arme n°1 contre la double imposition France/Suisse.
-
Dettes bien calibrées = un levier immédiat pour abaisser la base IFI.
La dernière étape ? Utiliser démembrement et nue-propriété pour faire encore mieux ; c’est l’objet de la section suivante.
Stratégies de démembrement et de nue-propriété pour réduire l’IFI
Donation temporaire d’usufruit : avantages et limites
Le principe tient en une ligne : c’est toujours l’usufruitier qui paie l’IFI sur un bien démembré ; le nu-propriétaire, lui, n’est pas taxé (il doit juste mentionner la nue-propriété dans sa déclaration, pour mémoire).
En donnant, pour une durée déterminée (au moins 3 ans) l’usufruit d’un logement à vos enfants majeurs ou à une fondation, vous faites sortir la valeur en pleine propriété de votre base taxable ; seul le nouveau bénéficiaire (souvent non imposable) supportera, le cas échéant, l’IFI et les revenus fonciers correspondants.
Atout |
Détail |
Point de vigilance |
Réduction immédiate |
La valeur du bien (pleine propriété) disparaît de votre assiette IFI pendant toute la durée de la donation. |
L’acte doit être notarié ; frais supportés par vous ou par le donataire. |
Transmission « test » |
Idéal pour aider un enfant étudiant ou soutenir une cause caritative sans vous dessaisir définitivement du bien. |
Durée minimale 3 ans ; à l’expiration, l’usufruit vous revient automatiquement. |
Cumulable |
Compatible avec le plafonnement global de l’impôt (impôt sur le revenu + IFI ≤ 75 % des revenus). |
En cas de requalification par l’administration (montage abusif), l’avantage peut être annulé. |
Exemple chiffré :
Chalet locatif à Châtel : valeur 1 000 000 €.
IFI annuel (après dettes) : ≈ 6 300 €.
Donation d’usufruit à vos enfants pour 5 ans : l’IFI sur ce bien tombe à 0 € pour vous ; économie brute ≈ 31 500 € sur la période. Les enfants perçoivent les loyers et assument la fiscalité afférente.
Sociétés civiles et autres montages patrimoniaux : quand privilégier la nue-propriété ?
Le démembrement de parts de SCI – plutôt que de l’immeuble directement – offre une grande souplesse :
Vous apportez l’immeuble à une SCI, puis vous cédez ou donnez la nue-propriété des parts aux héritiers ; vous conservez l’usufruit (et donc le contrôle) jusqu’au terme prévu. La valeur taxable bascule automatiquement chez les nu-propriétaires à la fin de l’usufruit, sans droits de succession supplémentaires.
Pourquoi c’est efficace ?
- L’usufruitier reste seul redevable de l’IFI pendant toute la durée du démembrement ; si ses propres actifs demeurent sous le seuil, aucun IFI n’est dû.
-
Les parts en nue-propriété bénéficient d’une décote fiscale (article 971 CGI) : en pratique la valeur économique transférée est souvent minorée, ce qui réduit aussi les droits de donation.
-
La SCI permet de loger de la dette interne (compte courant d’associé, in fine, etc.) qui reste déductible tant qu’elle finance réellement l’immeuble.
Situation typique |
Bénéfice |
Limite |
Couple frontalier détenant un immeuble locatif à Genève via une SCI |
Don de la nue-propriété des parts aux enfants ; l’IFI reste chez les parents jusqu’à leur décès, puis disparaît. |
Les enfants ne peuvent pas vendre l’immeuble sans l’accord de l’usufruitier. |
Diversification en SCPI suisses via une holding |
Démembrer les parts ; la valeur usufruit/nue-propriété est fournie par la société de gestion, ce qui facilite le report fiscal. |
Suivre l’évolution du ratio d’actifs français / suisses pour la fraction taxable. |
Attention :
– Si l’usufruitier occupe le logement à titre gratuit, l’administration peut refuser la déduction de certaines dettes.
– Au-delà de 60 % de dettes par rapport à la valeur brute du patrimoine (> 5 M €), la déductibilité est partiellement plafonnée (anti-abus art. 974 CGI).
À retenir avant de se lancer
- Acte notarié indispensable pour tout démembrement — donation ou cession, temporaire ou viagère.
-
Durée réaliste : inutile d’envisager 2 ans ; privilégiez 6-9 ans pour amortir les frais et sécuriser l’intention patrimoniale.
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Coût global : additionnez frais d’acte, éventuelle hausse d’impôt pour le nouveau détenteur, et trésorerie (loyers) transférée.
-
Contrôle : la nue-propriété peut être reprise si besoin via un pacte Dutreil ou une convention de gestion dans la SCI.
En combinant imputation des impôts suisses, dettes déductibles et démembrement bien calibré, un foyer frontalier peut souvent ramener son IFI à zéro ou s’en tenir aux toutes premières tranches. La clé ? Anticiper suffisamment tôt (idéalement avant de franchir le seuil de 1,3 M €) et vous entourer d’un notaire et d’un conseil fiscal familier de la frontière franco-suisse.
Naviguer entre la fiscalité française et la fiscalité suisse peut sembler périlleux, mais l’IFI n’a rien d’une fatalité ! En retenant que :
- Votre base taxable couvre vos biens immobiliers des deux côtés de la frontière – résidence principale française (avec abattement de 30 %), investissement locatif à Genève, SCPI suisses investies en France…
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Le crédit d’impôt suisse (article 980 CGI) neutralise, dans la limite de l’IFI afférent, l’impôt cantonal sur la fortune déjà acquitté.
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Les dettes réellement affectées à vos biens (prêts, travaux, taxes locales) viennent minorer la valeur nette taxable.
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Le démembrement (usufruit/nue-propriété) reste l’arme patrimoniale la plus efficace pour sortir temporairement ou définitivement un bien de votre assiette IFI,
…vous disposez de tous les leviers pour réduire, voire annuler, la facture.
Chaque situation étant unique, si vous souhaitez un accompagnement sur-mesure, nos courtiers-conseils spécialisés en gestion de patrimoine des frontaliers se tiennent prêts à vous guider. Une bonne stratégie aujourd’hui, c’est un patrimoine mieux protégé demain !